mardi 8 mars 2011

Il aurait été fier de toi...

Une phrase pour lui déchirer le cœur, pour raviver la flamme d’un désespoir passé, ses souffrances, ses espérances. « Il aurait été fier de toi »… s’aidant d’une main sur sa gorge serrée, il résista à cette nouvelle vague de souvenir et de tristesse. Ses cheveux mi-longs s’agitaient lentement, l’aveuglant à moitié tandis que des larmes lui montèrent aux yeux. Plus rien ne le touchait, passant au dessus de lui, tellement cette simple phrase l’avait concentré sur sa douleur… Une blessure encore vive, qu’il avait essayé d’oublier. ..

Il ne le pouvait cependant, c’était trop proche, sortit de la bouche de la mauvaise personne... Il haleta, s’énerva, tituba légèrement, comme si le vent du dehors, qui se faisait plus fort, harcelaient de nouveaux ses flancs.. Les larmes souillaient ses joues en y glissant lentement. S’asseyant pour se contenir et se stabiliser, il fixa ses prunelles noisette sur la terre, seul témoin de sa souffrance.

Son esprit vif était sous pression, il réfléchissait à toute vitesse, entendant l’écho de ses souvenirs, celui de sa voix, de ses paroles. Son visage en pleur, son sourire partit, il se remémora la soirée de sa mort avant d’éclater en sanglot. Le soir même, il avait voulu aller le voir… Mais on lui avait interdit, prétextant un état qu’il ne valait mieux pas voir si on voulait en garder une bonne image. Regret..

Il tressaillit… Reprenant doucement sa respiration avant d’analyser la situation dans son ensemble. Il se permit d’imaginer la possibilité de lui dire tout ce qu’il n’avait pas eu l’occasion de lui raconter, la possibilité de le rendre fier… Il soupira, c’était bien sur impossible, mais cette idée le réconfortait. Il passe sa main sur ses joues, essuyant son visage. Essayant de focaliser son esprit sur l’héritage qu’il en avait reçu, vestige de sa mémoire… Traces matérielles d’un passage bientôt oublié de tous…

Ses yeux se fermèrent et il s’étendit sur le sol, hoquetant. C’était finit, il lui fallait tourner la page, passer à autre chose, il le savait… Mais ne le pouvait. Son esprit se vida, Il ne pensait plus à rien… Fixant inlassablement l’infini qui lui faisait face. Ses sanglots s’arrêtèrent. Il ne bougeait toujours pas… Mis à part sa poitrine qui se soulevait au rythme de sa régulière respiration. La fissure était encore bel et bien présente.

Feu... (extrait d'une plus grande nouvelle.)

Le feu s’alluma et les flammes se précipitèrent vers le ciel, léchant leurs victimes d’une vague chatoyante. Se nourrissant comme un parasite du bois utilisé, ôtant le semblant de vie du combustible, décolorant les chairs de l’être maintenant meurtrit, les rendant rouge puis gris cendré. L’arbre se mourrait et son essence, consumée, s’élevait au ciel dans un tourbillon gazeux. Une agréable mais mordante chaleur s’échappa du brasier et une odeur âpre et dérangeante vint se mêler au parfum des fleurs habitantes des alentours.
Les crépitements du feu vinrent jouer avec le bruit d’un cours d’eau ruisselant non loin, rendant à ses oreilles un concert de sons et d’impressions. La dame pourpre ôta sa capuche d’une main gantée en soupirant. Puis, s’aidant de la lumière dispensée par la puissance primitive qu’était son feu de camp elle pu distinguer les traits encore hésitant d’une silhouette bien connue. Il revenait… Et ça lui réchauffait le cœur, glacé jusque là.

samedi 13 novembre 2010

Elvir, by Skynet.


« Merci », dit Elvir à Mme Webert qui lui tenait la lourde porte de verre de l’entrée. Mme Webert était la concierge de l’immeuble qu’Elvir habitait. Elle n’avait pas d’âge ou plutôt, personne n’avait jamais pris la peine de comptabiliser le temps qu’elle avait passé là, derrière la vitre de sa loge, à sourire aux locataires, à distribuer le courrier ou à passer la serpillière dans les couloirs vert anis des étages. Mais Elvir se souvenait que l’année passée, il avait offert une carte d’anniversaire à Mme Webert. Elle était jolie, la carte. Elle était bleue, avec un grand 21 doré et brillant. Mme Webert avait souri, et ses yeux humides avaient ri. C’était beau quand ses yeux riaient: ça lui effaçait les rides. Elvir aimait bien Mme Webert : cette année il lui offrirait la même carte.

Précautionneusement, Elvir déposa le bel aquarium rond sur le coin de la table en mosaïque de sa minuscule cuisine. Il venait de monter six étages sans quitter des yeux l’eau du bocal. Elvir s’accroupit pour avoir le nez à hauteur de la table. Un poisson rouge. Il en avait tellement rêvé. Elvir se redressa et attrapa sur l’étagère bleue un petit château miniature « Souvenir de la Loire » en céramique. Il le rinça sous l’eau claire du lavabo et le plongea dans l’aquarium. « Comme ça, tu seras toujours un peu en vacances » lança-t-il en direction du bocal. « J’aurais préféré Versailles » entendit-il. Elvir décida de ne pas prêter attention à ces enfantillages aquatiques et enfila un pull: il avait promis à Mme Webert de l’aider à prendre les poussières chez M. Henry, locataire du troisième. M. Henry était un ancien écologiste qui refusait furieusement de mettre les radiateurs de son appartement sur plus de deux. Prétextant que ce n’était tout de même pas la mer à boire ! Et qu’à la mer, ça lui faisait drôlement du bien de ne pas voir débarquer tous ces pétroliers sur ses plages.
«  _Tu n’as pas oublié ton pull cette fois, Elvir. C’est bien. J’ai eu peur que tu prennes froid mercredi passé. »
« _ Désolée du retard Mme Webert. Mais j’ai dû installer Jules. »
« _ Jules ? Qui est Jules, Elvir ? », interrogea la concierge, emmitouflée dans trois écharpes.
« _Mon poisson rouge, Mme Webert ! Vous ne l’avez pas vu lorsque vous je suis rentré tout à l’heure? » La vieille dame se mordit les lèvres puis fit un grand sourire au jeune garçon.
« _Si, Elvir, je n’y pensais déjà plus...… » Elvir pensa que Mme Webert devrait manger plus de poisson. C’est un docteur à la télévision qui l’avait dit. C’est bon pour la mémoire, le poisson.
« _Dis-moi, tu auras besoin que je t’aide pour ton poisson ? » Elvir pensa d’abord que ça ferait sûrement plaisir à Mme Webert de pouvoir s’occuper de Jules mais, au souvenir de sa dernière pensée, il changea d’avis et fit non de la tête. Après avoir finit le ménage chez M. Henry, Elvir remonta les 62 marches qui le séparaient de son appartement.

Il enleva son pull bleu marine en grosse laine et le lança sur le vieux fauteuil de cuir du salon. Il se dirigea vers la cuisine et attrapa un cube de vers congelés dans le frigidaire. « Jules, es-tu toujours si désagréable ? » Jules continua à se plaindre des tons de la pièce qui, selon lui, manquait de bleu, critiqua vivement la mosaïque de la table et trouva que son eau était trop chaude, les vers pas suffisamment frais et dit même que si c’était comme ça il préférait encore appeler la SPA. Elvir écouta calmement toutes les doléances de son poisson et à 23h03, trouva enfin le temps d’aller se coucher.

À sept heures pile, le lendemain, Mme Webert s’attendait à entendre le son cliquetant des claquettes d’Elvir qui descendrait comme à son habitude les 124 marches pour l’embrasser et partir à son cours de danse. Mais Elvir arriva avec 4 minutes de retard et un regard fatigué. La concierge le questionna tout en rattachant les boutons de la chemise du jeune garçon qui, à partir du troisième, étaient tous décalés. Elvir lui raconta sa soirée et ponctua son récit de plusieurs bâillements étonnamment longs. Elvir parti, Mme Webert monta à son appartement et ouvrit les rideaux en grand pour faire entrer la lumière dans le trois-pièces d’Elvir. Les rayons vinrent éclairer l’aquarium ou flottait le cube décomposé de vers. La vieille dame vida l’eau dans l’évier et, après avoir soigneusement nettoyé le bocal, le remplit à nouveau et y redéposa le château. Elle descendit ensuite jusque chez M. Henry et prit dans le grand aquarium à néon du living une petite algue verte à reflet bleu. M. Henry ne se fâchera pas. Mme Webert proposera de faire son ménage gratuitement la semaine prochaine en échange. Les jours passèrent et chaque matin, après le départ d’Elvir pour ses activités quotidiennes, la brave concierge reproduisait exactement les mêmes gestes.

Un soir, Elvir vint trouver Mme Webert son aquarium dans les bras. « C’est Jules, Mme Webert ! », sanglota le garçon. Elle le fit entrer, l’assit sur un gros fauteuil en daim rose et lui servit un chocolat chaud. Sans vouloir lâcher le bocal, Elvir passait sa fureur, désespéré, en maudissant ce poisson qui était un vrai « poison » et qui ne le laissait jamais tranquille! Elvir n’en voulait plus mais ne voulait pas l’abandonner « parce que ça c’est vraiment trop méchant » ne cessait-il de répéter en pleurs. Mme Webert, qui portait un peignoir fleuri, et des bigoudis dans ses longs cheveux gris, expliqua la solution avec sa patience de vieille dame à Elvir. M. Henry avait un bel aquarium. Jules sera le bienvenu parmi ses pensionnaires. Si Elvir le désirait, ils pouvaient l’y amener maintenant.

Dans son lit, Elvir s’inquiéta de la réaction de M. Henry quand il verrait Jules. Mais M. Henry ne fit jamais allusion à un poisson parlant dénommé Jules. M. Henry n’était ni un jeune garçon trop seul, ni une vieille dame compatissante : il ne voyait pas les poissons imaginaires…

J'écris ton nom... Suite.


J’écris ton nom, liberté,
Car on ne peut plus s’exprimer.
Le politiquement correct est maître maux,
On garde donc nos mots bien au chaud…
De peur de déplaire,
On ne peut que se taire.

J’écris ton nom, liberté,
Car dans cette foutue société,
Rien ne peut d’égaler
Comme idéal d’égalité.
J’écris ton nom, liberté,
Pour démontrer au gens fermé
Que tu peux exister.

J’écris ton nom, liberté,
Pour simplement espérer.
Car dans notre éduction,
On est juste prisonnier.
D’obligation, pas d’ambition,
On se doit d’avancer…
Sinon dévalorisé par la société.

J'écris ton nom, liberté...


J’écris ton nom, liberté,
Concept imaginé,
Pour peut-être un jour t’étreindre,
Pour espérer pouvoir t’atteindre…
Car tu sais, liberté,
Dans notre réalité,
Tu ne peux exister...

J’écris ton nom, liberté,
Depuis ce corps exténué
Qui même entravé,
Aspire à se réaliser.
Ce rêve dans ma réalité
Me pousse à résister
Pour t'obtenir, liberté.

Hommage.


Pendant ce cours plus qu’assommant,
Je repense à mes grands-parents..
Une profonde tristesse m’étreint le cœur
Et je me sens perdre toute vigueur.
Ma tête se pose sur ma feuille ;
Mon esprit est en deuil.

Ma vision se brouille
Tandis que mon visage se mouille,
Ma respiration s’accélère
Me faisant perdre tout repère.
Ma gorge se tord
À l’instar de mon corps…

Je relève la tête
Et le cours se poursuit,
Le prof se répète
Et je me force, je souris.
La journée est loin de sa fin
Je le sais, mais ce n’est rien.
Je suis ailleurs, dans mon esprit,
Perdu dans les méandres de ma vie.

Vous savez chers grands-parents,
Je pensais à vous souvent.
Loin des yeux, loin du cœur,
N’était pas du tout en vigueur.
Votre être est certes mort,
Mais vous êtes dans mon corps.
Une petite place à l’intérieur,
Trace immatérielle de mon cœur.

Je vous souhaite un bon repos.
Bien mérité, ce n’est pas de trop.
Vous avez eu une belle vie
Et qui plus est bien remplie,
Par ce poème je vous rends hommage
Votre départ est dommage.

Je continuerai à vive comme avant,
Même si tout est différent.
La vie est une longue perte,
De tout ce que l’on aime…
Il faut vivre avec les restes
Mais surtout avec ses rêves.

Silence.



Même le soleil semblait m’éviter… Le ciel était sombre, sans réelle vigueur ou envie. J’étais simplement assis sur mon petit banc de pierre. La triste nouvelle m’était tombée dessus comme une masse inattendue et inévitable. J’avais l’impression qu’on avait retiré une partie de moi, une partie de ma joie, de ma vie, et de mon avenir. Seuls les silences régnaient… Oui, les silences, c’est exactement le terme qu’il fallait leur donner. Tout d’abord, il avait le vide, l’attendu, le néant… Le calme… Cette impression de chute, sans bruit.. De vacillement constant, le froid qui s’engouffrait dans mes vêtements, qui chatouillait mon être sans ménagement. Puis, s’ajoutant merveilleusement à cette impression de vide, le bruissement des feuilles agitées par le vent qui sifflait aussi contre les structures de pierres. En union avec cette symphonie de calme et de silence apparent, il y avait le son amer du ramassage des feuilles, celles-là qui tombaient une à une dans des tourbillons gracieux. Les arbres se mettaient à nu, comme toujours en automne. Je n’avais même pas envie de pleurer, juste de savourer, ou de subir ce vide. Mes yeux se levèrent lentement lorsqu’il me sembla entendre un son différent des autres dans ce débat silencieux. J’ai cherché vainement l’origine de ce doux bruit durant quelques secondes, avant de soupirer lourdement.

« Nathan », semblait susurrer le vent à mon oreille. Mon sourire se fit plus triste qu’il ne l’était alors… Puis, quelque chose se posa tendrement sur mon épaule et me tira de ma rêverie. J’eu l’impression que mes yeux, à cet instant, furent ouvert pour la première fois de ma vie. Devant moi, un ange habillé de rouge, m’observant de ses yeux bleus… un ange au sourire magnifique et au regard doux et apaisant. Les larmes me montèrent aux yeux, un sentiment intense de bonheur éphémère m’étreignit le cœur. J’en avais le souffle court, incapable de parler. Je n’étais pas seul, je n’étais plus seul. « Tu vas bien mon ange ? » Sembla chantonner la silhouette divine. Oui, en cet instant j’allais bien, conscient de mon amour, j’étais aux anges. Mais c’était aussi un sentiment qu’ils ne connaîtraient plus jamais, eux. Mon pas se fit lourd lorsque la sonnerie annonçant la reprise des cours résonna. Je la suivis en retombant dans le silence inconscient, tout en réfléchissant à cette fleur sur l’horizon et à cet homme sur la lune, attendant son âme sœur.

On éclot, on vit son temps tout en s’étiolant… Puis on s’éteint. Voilà ce qu’est la vie et les épreuves dont elle est réellement faite. Certes, on peut être contenté par certaines choses, ressentir un bonheur immense qui nous électrifie le corps ou alors connaître la déception, ressentir son propre malheur jusqu’au plus profond de notre âme. Mais, une chose est sur, on s’accommode bien de cette triste vie, on la voit défiler, sans savoir l’arrêter, comme des mannequins s’accaparant enfin cette existence, à l’usure, bien sur.